Projet Manhattan contre le changement de
climat
Source
(pdf, en anglais)
Géoingénierie: un Projet Manhattan
contre le changement de climat
Journal de la législation environnementale de Stanford, janvier
1998
Conseil d'administration de l'université de Leland Stanford (USA);
Jay Michaelson
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Parce que la régulation contre le changement de climat nécessite
énormément de volonté et de coordination, et parce
que l'incertitude, le coût, l'équité et d'autres
facteurs menacent l'implémentation efficace d'un programme de
style Kyoto, une approche basée uniquement sur la régulation
est dangereusement myope. Même les plus
austères régimes de régulation post-Kyoto ne peuvent
éviter une probable augmentation de température de 2 à
3°F durant le prochain siècle, et la plupart des observateurs
estiment que des plans plus politiquement faisables produiront une augmentation
entre 3 et 8°F.
Au lendemain de Kyoto, le moment est maintenant
arrivé d'étendre notre horizon politique pour y inclure
la géoingénierie, la manipulation directe du système
climatique, comme une alternative sérieuse aux régulations
inefficaces et controversées. Autrefois ridiculisée
comme de la science-fiction, la géoingénierie a dernièrement
commencé à mériter de sérieux débats
dans la littérature académique, scientifique et économique
et a obtenu le soutien pragmatique de personnalités telles que
Edward Teller, Wallace Broecker, William Nordhaus et Stephen Schneider.
Deux propositions ont fourni des données
scientifiques encourageantes: celle souvent décriée, ensemencer
l'océan de limaille de fer pour stimuler la croissance de phytoplancton
consommateur de carbone et "l'écran
solaire", qui demande l'émission contrôlée
de particules de poussière pour réfléchir la radiation
solaire et progressivement refroidir la terre, simulant "l'effet
Pinatubo", contrebalançant l'effet de serre, mesuré
au lendemain de l'éruption du mont Pinatubo en 1991.
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D'un point de vue politique - ce qui est le centre de cet article -
la géoingénierie, bien que peut être paradoxale,
devrait être très attractive à la fois pour les
"vrais croyants" de l'effet de serre et pour les plus ardents
sceptiques. Pour les sceptiques et les décideurs politiques,
la géoingénierie offre une alternative
relativement indolore et bon marché par rapport aux régulations
coûteuses et impopulaires. Autoriser des avions à
voler de façon plus sale (la proposition d'"écran
solaire") pourrait impliquer des coûts de mise en application
et secondaires, mais comparé avec les bouleversements économiques
associés à des réductions même modestes d'émission
de dioxyde de carbone c'est une affaire, spécialement si l'implémentation
peut être retardée pendant que l'incertitude au sujet du
changement de climat diminue.
Une politique de géoingénierie
peut fonctionner. Certes elle ne fait pas payer les pollueurs ou arrêter
la destruction des forêts anciennes. Et comme discuté ci-dessous,
il y a de sérieuses inquiétudes
écologiques associées avec la manipulation du système
climatique de la terre.
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William D. Nordhaus estime que le coût des taxes sur le carbone,
nécessaires pour provoquer la réduction "optimale"
des gaz à effet de serre des niveaux incontrôlés
actuels de 9% dans un futur proche jusqu'à 15% plus tard durant
le prochain siècle, devraient commencer à 5$ par tonne
de carbone et augmenter à 20$ par tonne. Étant donné
les émissions de carbone actuelles d'au moins 9 milliards de
tonnes par an, de telles taxes sur le carbone engendreraient un coût
marginal de 45 milliards de dollars annuellement. Considérant
l'estimation de Nordhaus de 5600 milliards de dollars comme coût
total dans le cas d'un changement de climat continuel au rythme actuel,
taxer les émissions à ce niveau apporterait des bénéfices
nets annuels sous certaines conditions, mais seulement après
que les bénéfices incertains de demain soient réalisés.
Les taxes sont payées aujourd'hui. Des réductions plus
spectaculaires sont encore plus coûteuses. Nordhaus estime que
stabiliser les émissions de gaz à effet de serre aux niveaux
de 1990, comme vivement conseillé par la Convention sur le Changement
de Climat, nécessiterait une taxe sur le carbone commençant
à 10$ par tonne mais augmentant en 20 ans à 90$ par tonne,
pour un coût annuel marginal en 2015 de 810 milliards de dollars,
ce qui - prétend Nordhaus - apporte une perte globale annuelle
de 762.5 milliards de dollars. Au contraire, Nordhaus estime les bénéfices
nets d'une politique réussie de géoingénierie à
224 milliards de dollars, dépassant de loin même son régime
de régulation optimal.
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Il vaut la peine de répéter, cependant, que ne rien faire
- même dans le modèle relativement conservateur de Nordhaus
- apporte aussi des coûts extrêmement élevés:
Nordhaus estime le coût total suite au changement de climat ,
si nous ne faisons rien, à approximativement 5600 milliards de
dollars.
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Puisque la concentration existante de richesse est largement le résultat
des activités maximisant la richesse de la manière la
plus efficace - activités souvent liées à des pratiques
environnementales destructrices - ceux ayant le plus à gagner
dans le statu quo, y compris le service public, l'industrie lourde et
autres de ce genre, absorberaient probablement la plupart des coûts
d'un régime de régulation. La
régulation, en bref, amène ceux qui ont le plus d'influence
à être les plus opposés aux efforts de réduction.
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Le pôle opposé à l'alternative "structurellement
profonde" de la régulation contre le changement de climat
est l'adaptation: nous pourrions juste attendre et voir. À un
certain moment, si les prédictions sont correctes, le changement
de climat aura des effets désastreux sur beaucoup de gens, et
de moins coûteux, mais cependant sérieux, sur beaucoup
d'autres. À ce moment, le changement de climat cessera d'être
un problème absent. Dans un tel contexte, obtenir un consensus
sur la régulation préventive sera probablement plus facile,
particulièrement si certaines des prédictions les plus
sinistres - élévation du niveau des mers, méga-tempêtes
- se produisent. Pendant que nous attendons pour que de telles actions
prennent effet, il est tout à fait possible pour l'être
humain de simplement s'adapter à un monde en transformation,
au moyen de barrages, par le changement de l'organisation de l'agriculture
ou par d'autres méthodes.
Deux problèmes centraux s'acharnent sur la stratégie d'adaptation.
Premièrement, l'adaptation est un pari extrêmement risqué.
Aucun écologiste ou économiste censé, après
une étude approfondie des faits pertinents et des incertitudes
associées au changement de climat, ne peut légitimer une
solution "ne rien faire". Même en écartant les
maux prévus dus au changement de climat par notre incertitude
en ce qui concerne son ampleur, les moins opposés au risque parmi
nous choisiraient encore rationnellement certaines actions préventives,
bien qu'associées avec des stratégies d'adaptation. Le
second problème avec l'adaptation est qu'elle forcera inévitablement
à faire des choix difficiles qui condamneront probablement beaucoup
d'écosystèmes à la destruction. Les choix de Hobson
abonderont: est ce que nous dépensons nos ressources limitées
à sauver la forêt équatoriale de la sécheresse,
ou à sauver Rio de Janeiro, où des centaines de milliers
de personnes vivent, des inondations? En supposant que les vies humaines
auront encore la priorité, la stratégie d'adaptation condamne
la forêt équatoriale, les estuaires, les zones proches
d'un court d'eau et tout les autres écotones qui sont incapables
de s'adapter ou de se déplacer. Nous pouvons être capables
de sauver Miami Beach mais les Everglades seront probablement enfoncés
(peut être littéralement). L'adaptation signifie réellement
"laissons la nature brûler".
Insatisfait par cet anthropocentrisme hyper-darwinien, la suite de cet
article va examiner une troisième alternative à la régulation:
aborder le changement de climat comme un problème
qui peut être directement atténué grâce à
des moyens technologiques. Répétons le, la technologie
est une stratégie de réduction de la source aussi bien
qu'un remède - et des analyses utiles ont considéré
la faisabilité des combustibles alternatifs et d'autres moyens
moins coercitifs d'affecter le problème. Mais cet article veut
se concentrer sur la technologie telle qu'elle est utilisée dans
la géoingénierie: une politique
de non-régulation pour la réduction du changement de climat.
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L'insuffisance prévue du régime de réduction des
émissions de Kyoto et les problèmes de l'absence, du coût
et des motivations discutées partie 2, réclament une alternative
à notre état présent de myopie politique sur le
changement de climat. La géoingénierie
- manipulation intentionnelle dirigée par l'homme du système
climatique de la terre - pourrait être une de ces alternatives.
Cette partie propose que, contrairement à un "Plan Marshall"
coûteux de réduction des émissions, à des
subventions technologiques et à d'autres mesures de réduction,
un "Projet Manhattan" de non-régulation destiné
à développer des remèdes possibles contre le changement
de climat à l'aide de la géoingénierie peut efficacement
réduire le réchauffement global et éviter beaucoup
de ses plus extrêmes conséquences.
À quoi ressemblerait un Projet Manhattan
contre le changement de climat? Dans un premier temps, il consisterait
en une modification des priorités des agences environnementales
existantes sur le changement de climat: sans plus de recherche pour
savoir si le globe se réchauffe, sans davantage de négociations
et de programmes d'incitations impopulaires, et vers des recherches
sur comment résoudre le réchauffement global si il se
produit. D'une certaine façon cette phase a déjà
commencé, la géoingénierie s'est déplacée
des pages de science-fiction vers les journaux scientifiques et politiques
respectables. Une des propositions les plus encourageantes aujourd'hui
se concentre sur la création de vastes puits de carbone en stimulant
artificiellement la croissance du phytoplancton grâce à
des "fertilisants" à base de fer dans une partie des
océans. Une autre proposition suggère de créer
des "Mont Pinatubo" miniatures artificiels en
autorisant les avions à relâcher des particules de poussière
dans l'atmosphère supérieure, simulant l'éruption
du Mont Pinatubo de 1991 qui a bloqué l'effet de serre. De telles
découvertes, bien qu'encourageantes, restent à un niveau
très préliminaire. La phase I d'un Projet Manhattan contre
le changement de climat serait une "sérieuse considération
de la géoingénierie" par des efforts coordonnés
de la communauté scientifique.
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D'après un expert en géoingénierie, "nous
ne comprenons pas réellement bien le climat, nous ne voulons
donc pas démarrer quelque chose quand la
cure pourrait être pire que la maladie".
Il y a aussi d'importantes questions politiques qui doivent être
abordées dans la première phase d'un Projet Manhattan
contre le changement de climat. Comment la géoingénierie
sera-t-elle financée? Comment sera-t-elle contrôlée?
Qui sera finalement responsable, au cas où
des effets secondaires en résulteraient? De telles questions
sont importantes, mais ce sont des questions que nous avons à
peine commencé à poser. En dépit de la popularité
grandissante de la géoingénierie dans beaucoup de milieux,
le discours politique n'en est encore qu'à ses débuts.
Exclure la science des "laxatifs pour les océans" ou
des "miroirs géants dans l'espace" maintenant est autant
absurde que de nier que l'homme puisse jamais marcher sur la lune, ou
créer une voiture sans chevaux fonctionnelle.
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Une certaine coordination et/ou surveillance sera nécessaire,
particulièrement sur les effets secondaires.
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Les problème absents tendent à être ignorés
jusqu'à ce qu'ils soient présents, spécialement
quand les coûts de traiter ces problèmes sont élevés.
Dans un tel cas un besoin se fait sentir pour qu'une approche qui puisse
être faisable soit mise en place quand le problème en question
devient visible. En d'autres mots, une solution curative est nécessaire,
plutôt qu'une action préventive.
La géoingénierie représente une telle solution.
Elle est curative, pas dans le sens où elle autorise l'action
à être reportée après que les marées
aient monté ou que les récoltes aient échoué,
mais dans le sens où elle remédie à un problème
(potentiellement présent) plutôt que de prévenir
celui absent. Comme telle, la géoingénierie est une affaire
non de pronostic et de prévention - comme l'est la régulation
- mais de diagnostic et de traitement.
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Alors que la phase de déploiement de la géoingénierie
pourrait prendre moins de temps pour produire un effet que la régulation
préventive, la recherche initiale devrait commencer sans délai.
Évidemment nous ne pouvons pas attendre jusqu'à ce que
le climat ait changé radicalement avant de rechercher les moyens
de résoudre le problème.
En minimisant les incertitudes associées
aux prédictions sur l'ampleur de la réduction des gaz
à effet de serre nécessaire aujourd'hui pour produire
un effet d'ici quarante ans, la géoingénierie réduit
grandement les effets politiques de l'absence de changement de climat.
Nous devons développer la roulette maintenant afin qu'elle soit
prête quand la carie survient, en termes politico-économiques
c'est quand même plus facile que d'essayer d'arrêter de
manger des bonbons.
Les analyses économiques et scientifiques
sur la géoingénierie ont suggéré que, en
dépit du prix probablement élevé sur l'étiquette
pour le développement et le déploiement de la "Grande
Solution", la géoingénierie
est bien moins coûteuse que les autres options politiques contre
le changement de climat. Un ensemencement massif du phytoplancton de
l'océan ou un programme périodique de distribution de
particules de matière dans l'atmosphère peut être
moins cher que de simplement conserver les combustibles fossiles, pas
parce que la solution géoingénierie est peu coûteuse
mais parce que les coûts sociaux et économiques de la conservation
sont très élevés.
Contrairement aux intuitions, la géoingénierie
peut ne pas être coûteuse du tout. Bien qu'il soit bien
trop tôt pour se hasarder à des suppositions financières,
distribuer suffisamment de particules de matière pour égaler
les 20 millions de tonnes de poussière du Mont Pinatubo peut
être fait - une proposition suggère - simplement en
modifiant les avions commerciaux ordinaires pour voler de façon
plus sale. Les 430000 tonnes de fer pour ensemencer les océans
qui sont susceptibles d'être nécessaire pour compenser
les 3 milliards de tonnes de carbone que les humains relâchent
dans l'atmosphère chaque année ne sont pas non plus une
dépense majeure; il n'y a rien à
propos de la géoingénierie qui en principe la rende inabordable.
En fait, bien que Nordhaus donne à la géoingénierie
un traitement limité dans son travail, il estime les bénéfices
nets d'une politique de géoingénierie réussie,
si technologiquement faisable, à 224 milliards de dollars, dépassant
largement son propre régime "optimal" de régulation.
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La géoingénierie, par contraste avec la régulation,
laisse les puissants dirigeants et leurs intérêts relativement
intacts. Pour cette raison, il est logique de conclure qu'une solution
géoingénierie sera bien moins offensive pour eux, et donc
qu'elle a de plus grandes chances de réussite.
La géoingénierie, même si elle devait coûter
plus cher maintenant, apporterait de plus faibles coûts politico-économiques
globaux que des solutions législatives parce que les coûts
répartis sont relativement mineurs pour les acteurs avantagés.
En termes politico-économiques, réussir à Wall
Street est un atout significatif.
Même si la géoingénierie
était coûteuse, et même si elle n'était pas
supérieure à la régulation du changement de climat
en terme d'effet sur les élites, elle pourrait encore être
la stratégie disponible la moins coûteuse en termes politico-économiques
parce qu'elle n'apporte presque aucun coût social. Personne n'a
besoin de changer de style de vie, de prendre un bus au lieu d'une voiture
ou de payer plus à la pompe à essence pour combattre le
changement de climat si la géoingénierie peut compenser
les effets climatiques du laisser-faire habituel.
Pour un décideur politique, les coûts
d'une politique ne sont pas seulement les investissements financiers
immédiats ou les sacrifices nécessaires, ils incluent
les effets sociaux et politique de l'implémentation. Contrairement
à la réduction de l'usage des automobiles aux États-Unis
par exemple, avec son avalanche d'effets économiques et son interférence
perçue avec les comportements consommateurs occidentaux, ensemencer
de la limaille de fer dans la mer et étaler des particules de
matière dans le ciel apporte de très faibles coûts
sociaux.
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Certains pourraient argumenter que, en fait, les pays en voie de développement
n'auraient dans aucun cas à faire beaucoup de changements dans
le cas d'un traité sur le changement de climat bien négocié,
et pourraient vraiment profiter d'un régime de régulation
dans la mesure où les plus gros producteurs et exportateurs seraient
limités. Dans un monde idéal, par exemple, l'Inde pourrait
être capable de continuer à se développer avant
d'atteindre sa limite de production de gaz à effet de serre,
alors que les États-Unis auraient à imposer des limites
significatives sur l'industrie, les transports ou d'autres activités
productrices de carbone. L'Inde pourrait alors profiter d'une période
pendant laquelle elle deviendrait bon marché et où il
serait plus profitable d'y investir qu'aux États-Unis.
Cet argument en faveur de la régulation basée sur l'équité
est criblé de trous. Premièrement, si les expériences
passées servent de guide, il est naïf de s'attendre à
ce qu'un tel arrangement irrationnel émerge de négociations
internationales. Les pays protègent leurs propres intérêts,
et les plus puissants le font le plus efficacement. Sûrement,
s'il y avait quelque avantage que ce soit pour les pays en voie de développement,
le "Nord" se battrait avec acharnement. Le "monde idéal"
est un monde qui, étant donné les structures présentes
de l'arène des marchés internationaux, n'arrivera jamais.
Deuxièmement, même l'arrangement le plus pro-Sud devrait
imposer des limites soit sur la croissance de sa population soit sur
sa production de carbone, puisque il est absolument inconcevable pour
un régime de régulation de réussir dans un monde
plein d'américains, avec le niveau de consommation des américains.
Le "monde idéal" équitable est en fait non seulement
inexistant; il est incohérent politiquement.
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Même le plus complexe des projets de géoingénierie
ne peut approcher la complexité de l'imposition de régulations
internationales contre le changement de climat à cinq milliards
et demi d'êtres humains. Utiliser la géoingénierie
comme politique évite donc la plupart des pièges de la
"complexité" associée à la régulation.
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Contrairement aux programmes conflictuels et aux intérêts
qui se dressent face aux restrictions sur la production et la consommation,
la géoingénierie nécessite seulement des paiements
financiers par les parties contributives. De façon plus importante,
la géoingénierie minimise le besoin d'un "organisme
international d'imposition", un consortium pour définir
les limites, le calendrier, la structure, les conventions, les buts
ou les laborieuses négociations sur les niveaux d'émission.
Les institutions internationales existantes sont assez bien adaptées
pour la plupart des engagements institutionnels requis par la géoingénierie,
tels que la surveillance et le financement. En fait, il
est concevable que certains projets de géoingénierie puissent
être entrepris unilatéralement, bien que les problèmes
légaux internationaux et politiques accompagnant une action unilatérale
affectant le climat du monde entier soient considérables.
La géoingénierie non seulement évite le besoin
d'agences internationales pour définir et appliquer des règles;
elle minimise complètement le rôle du gouvernement, comparé
à un régime de régulation. En s'appuyant sur l'innovation
et le développement technologique, la géoingénierie
accroît le rôle des acteurs privés par rapport à
ceux du gouvernement. La géoingénierie, au lieu de nécessiter
l'imposition généralisée de règles complexes
menaçant la croissance, donne aux sociétés privées
à travers le monde une motivation financière pour résoudre
le problème du changement de climat.
Une question institutionnelle vitale concernant
les propositions de géoingénierie est le statut au niveau
des lois internationales, qui pour l'instant est incertain. Bien qu'aucune
disposition ou loi internationale ne mentionne actuellement la géoingénierie
spécifiquement, quelques commentateurs ont montré que
n'importe quel projet unilatéral ou même
multilatéral de géoingénierie pourrait être
illégal dans la mesure où il cause des effets,
bénéfiques ou non, qui s'étendent au-delà
des frontières. Daniel Bodansky note également que les
projets de fertilisation des océans seraient sujets aux clauses
de la Convention sur la Loi de la Mer des Nations-Unies de 1982 qui
a établi des zones économiques exclusives de 320 Km dans
lesquelles toute recherche maritime scientifique est exclue. L'ensemencement
de fer pourrait aussi être sujet au Système de Traité
Antarctique. Des mesures qui affectent l'atmosphère directement,
prétend Bodansky, sont encore plus problématiques compte
tenu des lois et traités.
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De plus, la réponse comme quoi la géoingénierie
n'affecterait pas plus les biens communs que les activités émettrices
de gaz à effet de serre est probablement intenable légalement,
étant donné que la géoingénierie est une
altération intentionnée du climat de la terre, alors que
les émissions de gaz à effet de serre sont non-intentionnelles.
Compliquant davantage le problème, les diverses dispositions
souples des déclarations de Stockholm et de Rio, qui, bien que
soutenant en principe les efforts pour atténuer le changement
de climat, codent également l'interprétation légale
au niveau international des précautions au sujet des perturbations
des processus naturels de la terre. Bodansky va aussi loin que suggérer
qu'obtenir les différentes formes d'agrément nécessaires
pour un programme sérieux de géoingénierie déclenche
le "principe de précaution", qui se dégage du
débat sur les technologies non familières au niveau des
lois internationales.
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Concernant les effets secondaires, la prudence devrait inspirer davantage
de recherches, pas moins. Un "écran solaire" global
peut aussi causer des pluies acides ou affecter la couche d'ozone, ou
peut être pas: les réponses des scientifiques sont nécessaires
pour les décideurs politiques. Bien sur, comme chaque scientifique
le sait, les "réponses" sont plus souvent des estimations
et des pronostics que des résultats précis. Si les choses
se passent de cette façon à la fin de la phase I d'un
projet Manhattan contre le changement de climat, alors la phase II devrait
se poursuivre prudemment. Dans le cas de la proposition de l'"écran
solaire" de poussière, nous pourrions procéder graduellement,
relâchant moins de poussière que le mont Pinatubo l'a fait
en 1991.
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Plusieurs réponses sur les objections concernant le caractère
contre nature sont possibles. Premièrement, le besoin d'atténuer
le changement de climat pourrait simplement l'emporter sur la valeur
esthétique du monde naturel. Les coûts de supporter la
disparition des forêts et le déplacement des zones d'agriculture
ne sont pas des tactiques alarmistes, mais des inquiétudes sérieuses
qui pourraient prévaloir sur les réserves éco-esthétiques
(ou même religieuses) sur un ciel fabriqué par l'homme.
Si les conséquences du réchauffement global suivent les
prévisions les plus graves des "devins" de l'effet
de serre, c'est certainement le cas: peu pourraient insister sur l'intégrité
de Gaïa si des millions de gens (et d'animaux) mourraient de faim.
Deuxièmement, on pourrait répondre de façon fataliste
en notant que la géoingénierie n'est pas plus une altération
directe de l'environnement que les effets journaliers de millions de
voitures et d'usines. Tout refus de bricoler la nature est une illusion:
nous le faisons déjà, et la seule question restante est:
est ce que nous continuons de le faire négligemment, ou commençons
nous à bricoler avec bienveillance. Il serait mieux de "laisser
le pré dans l'état", et de ne pas déplacer
des monticules de terre au moyen de bulldozers, mais pas une fois que
le pré a déjà été éventré.
Enfin, on pourrait s'opposer aux esthètes de la vie sauvage sur
leurs propres termes en répliquant que bien que la géoingénierie
soit une interférence hideuse avec la nature, elle en supprime
d'autres encore plus désagréables. Le réchauffement
global n'est plus simplement une blessure esthétique abstraite.
Bien que problématique, la géoingénierie est en
fait juste, dans le contexte du réchauffement global, dans la
mesure où "une chose est juste quand elle tend à
préserver l'intégrité, la stabilité et la
beauté de la communauté biologique".
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Bien qu'il soit possible que la géoingénierie
fonctionne, il est aussi possible qu'elle ne fonctionne pas.
Dans la mesure où la "Grande Solution"
nous apaise en nous amenant à penser que nous avons fait tout
ce que nous devions faire au sujet du réchauffement global, c'est,
comme l'a dit un environnementaliste, une politique classique grand
risque-grand bénéfice. Soit elle
fonctionne, soit nous aurons de sérieux ennuis.
Nous ne devrions pas attendre jusqu'à
ce que le remède soit nécessaire avant d'explorer l'option:
nous devons construire la roulette avant que la carie ne se développe.
Si la phase I du projet Manhattan contre le réchauffement de
climat commence maintenant, un ensemble de réponses raisonnées
aux nombreuses questions sur la géoingénierie pourrait
émerger bien avant le "point de non-retour" pour la
régulation du changement de climat.
Nous devons commencer
maintenant. Les avocats ont raison de craindre de mettre tous
leurs oeufs dans le même panier non testé, mais nous ne
devons pas laisser tomber le panier des émissions-réductions
pour attraper celui de la géoingénierie. Les partisans
de la géoingénierie doivent prendre leur responsabilité
pour assurer que la politique ne dégénère pas en
tergiversations.
Je suppose que tout environnementaliste invétéré
qui a lu ceci jusqu'ici est, au mieux, troublé. Je doute de les
avoir convaincu que la géoingénierie est la bonne politique
pour l'atténuation du changement de climat, et j'ai peut être
seulement planté quelques graines de malaise concernant les espoirs
de succès post-Kyoto. Un tel résultat ne serait pas surprenant:
la géoingénierie va dans le sens contraire des idées
fondamentales profondément ancrées sur quels genres de
solutions politiques sont "justes" pour les problèmes
environnementaux. La géoingénierie traite un symptôme,
pas une cause. Elle est non-globaliste par nature, se concentrant sur
seulement un problème, alors qu'ignorant intentionnellement les
autres. Un projet Manhattan contre le changement de climat cherche essentiellement
à guérir le cancer du poumon avec les dernières
technologies, alors que le fumeur devrait simplement arrêter de
fumer.
La géoingénierie semble plus que "mauvaise".
La vision étroite sur la géoingénierie prive la
communauté environnementale de la capacité à résoudre
d'autres problèmes critiques en même temps que le changement
de climat: la déforestation et la surconsommation par exemple.
Sûrement, il est mieux de s'habituer à l'idée de
"vivre sobrement" que d'éparpiller de la poussière
dans le ciel ou ensemencer les océans avec du fer, spécialement
quand vivre sobrement est de toute façon bon pour nous tous.
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Dans le cas du changement de climat, utiliser l'intégrité
climatique de la biosphère comme point d'appui est un risque:
si les scientifiques ont raisons, nous pourrions
avoir de sérieux ennuis si les émissions de gaz à
effet de serre et la déforestation (les "vraies cibles")
ne sont pas réduites.
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Au long de cette étude, j'ai essayé de suggérer
que les 160 nations dont les représentants se sont réunis
en décembre dernier à Kyoto ne sont pas si stupides ou
égoïstes pour ne pas comprendre les menaces du changement
de climat, et que l'insuffisance des résultats du processus de
Kyoto est au contraire le résultat de problèmes fortement
ancrés avec l'approche régulatrice de la politique sur
le changement de climat. Le réchauffement global est un problème
absent extrêmement difficile, et modifier notre comportement d'une
façon nécessaire pour le résoudre est complexe,
coûteux et, pour certains, contre-productif. Nous avons besoin
d'une alternative à la politique aveugle qui voit les réductions
d'émissions comme le seul chemin vers la réduction du
changement de climat. Bien que la proposition pour un projet Manhattan
contre le changement de climat exposée dans cet article pourrait
ne pas être esthétiquement élégante comme
plan Marshall de stratégies préventives contre le changement
de climat, elle peut être plus efficace. La manipulation directe
du climat, par ensemencement de fer, éparpillement de particules
ou d'autres mécanismes a l'avantage d'éviter ou de minimiser
le problème de l'absence, de la difficulté et de la structure
économique qui contrarie les efforts d'implémentation
des régulations contre le changement de climat.
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Un projet de géoingénierie peut être cher, peu fiable,
dangereux, laid et imprudent - bien que j'ai essayé de répondre
à chacune de ces objections dans la partie 4. Mais il en est
ainsi de beaucoup de remèdes pour une situation désespérée.
Il est vrai aussi, comme j'en ai discuté dans la partie 5, que
la géoingénierie est une cure
strictement conçue pour un problème dont les causes réelles
sont bien plus profondes. Et il est vrai qu'un effet de levier
pour s'occuper de ces causes est perdu quand le risque menaçant
du changement de climat est supprimé par la géoingénierie.
Mais est ce que la santé de la biosphère est vraiment
une denrée que les environnementalistes peuvent se permettre
d'influencer?
Il peut aussi sembler que conduire moins ou couper
moins d'arbres est plus simple que d'éparpiller de la poussière
dans la stratosphère. C'est certainement plus élégant.
Mais quand l'épée de Damoclès de la disruption
biotique massive est suspendue au-dessus de nos têtes, nous devrions
choisir quelque chose qui fonctionne.
En étant réaliste, bien que les stratégies de régulation
prévues à Kyoto doivent continuer à jouer leur
rôle, nous avons besoin de plus qu'un plan Marshall global de
motivations et de réductions pour éviter un potentiel
changement de climat désastreux. Nous avons besoin d'un projet
Manhattan. |