Un assistant de Bush a minimisé les
liens entre les gaz à effet de serre et le réchauffement
global
Source: Commondreams.org 8 juin 2005
http://www.commondreams.org/headlines05/0608-05.htm
par Andrew C. Revkin
Un officiel de la Maison Blanche qui dirigeait autrefois la bataille
de l'industrie du pétrole contre les limites des gaz à
effet de serre a édité à plusieurs reprises les
rapports gouvernementaux sur le climat de façon à minimiser
les liens entre de telles émissions et le réchauffement
global, d'après des documents internes.
Sur les notes manuscrites des brouillons de plusieurs rapports publiés
entre 2002 et 2003, le fonctionnaire, Philip A. Cooney, a supprimé
ou ajusté les descriptions de la recherche climatique que les
scientifiques du gouvernement et leurs responsables, y compris des fonctionnaires
supérieurs de l'administration Bush, avaient déjà
approuvé. Dans beaucoup de cas les changements sont apparus dans
les rapports définitifs.
Les douzaines de modifications, bien que quelquefois aussi subtiles
que l'insertion de la phrase "significatif et fondamental"
avant le mot "incertitude", tendent à faire planer
un doute au sujet des conclusions que la plupart des experts climatiques
affirment solides.
M. Cooney est chef du personnel du Conseil sur la Qualité de
l'Environnement de la Maison Blanche, le bureau qui aide à concevoir
et promouvoir la politique de l'administration pour les problèmes
environnementaux.
Avant d'arriver à la Maison Blanche en 2001, il était
le dirigeant de l'équipe sur le climat et membre d'un groupe
de pression à l'Institut Américain du Pétrole,
le plus grand groupe commercial représentant les intérêts
de l'industrie pétrolière. Avocat avec un diplôme
d'économie, il n'a aucune formation scientifique.
Les documents ont été obtenus par le New York Times grâce
au Programme pour la Responsabilité du Gouvernement, une association
d'assistance sans but lucratif pour les dénonciateurs.
Le programme est dirigé par Rick S. Piltz, qui a démissionné
en Mars de son poste d'associé au bureau qui coordonne la recherche
climatique du gouvernement. Ce bureau, maintenant appelé le Programme
scientifique sur le Changement de Climat, a fournit les documents que
M. Cooney a édité.
Une porte-parole de la Maison Blanche, Michele St. Martin, a déclaré
hier que M. Cooney ne s'exprimerait pas à ce sujet. "Phil
Cooney ne fait pas de déclarations publiques", a dit Mme
St. Martin, "il n'est pas un porte-parole accrédité".
Dans un cas, en octobre 2002, dans un brouillon pour un résumé
régulièrement publié sur la recherche climatique
du gouvernement, "notre planète en évolution",
M. Cooney a amplifié le degré d'incertitude en ajoutant
le mot "extrêmement" à cette phrase: "l'attribution
des causes biologiques et écologiques du changement de climat
ou leur variabilité est extrêmement difficile".
Dans une section sur le besoin de recherches pour savoir comment le
réchauffement pourrait modifier la disponibilité de l'eau
et les inondations, il a rayé un paragraphe décrivant
la prédiction de la réduction des glaciers montagneux
et de la couverture neigeuse. Ses notes dans la marge expliquent que
c'était "s'égarer de la stratégie sur la recherche
vers des découvertes/songeries spéculatives".
D'autres fonctionnaires de la Maison Blanche ont dit que les modifications
apportées par M. Cooney faisaient partie des révisions
inter-agences normales qui ont lieu sur tous les documents en relation
avec le changement environnemental global. Robert Hopkins, un porte-parole
du Bureau pour la Politique sur la Science et la Technologie de la Maison
Blanche a noté qu'un des rapports sur lesquels M. Cooney a travaillé,
le plan de 10 ans de l'administration pour la recherche sur le climat
avait été approuvé par l'Académie Nationale
des Sciences. Et Myron Ebell, qui a longtemps mené campagne contre
les limites des gaz à effet de serre en tant que directeur de
la politique sur le climat à l'Institut des Entreprises Compétitives,
un groupe ultra-libéral, a déclaré que de telles
éditions étaient nécessaires à la "cohérence"
pour faire concorder le programme avec la politique.
Mais les critiques disent qu'alors que l'administration passe régulièrement
en revue les rapports du gouvernement, le contenu de ces rapports devrait
être examiné par des scientifiques. Les experts climatiques
et les représentants des groupes environnementaux à qui
on a montré les exemples de modifications ont dit que cela illustrait
l'influence significative bien que largement invisible de M. Cooney
et des autres fonctionnaires de la Maison Blanche ayant des liens avec
l'industrie de l'énergie, qui ont longtemps lutté contre
la restriction des gaz à effet de serre.
Dans une note de service envoyée la semaine dernière dans
une douzaine d'agences aux fonctionnaires supérieurs s'occupant
du changement de climat, M. Piltz écrivait que les modifications
apportées par la Maison Blanche et d'autres actions menaçaient
d'entacher l'effort du gouvernement de 1.8 milliard de dollars pour
clarifier les causes et les conséquences du changement de climat.
"Chaque administration a un avis politique sur le changement de
climat" écrit M. Piltz. "Mais je n'ai pas vu une situation,
comme celle qui a été développée sous cette
administration pendant les quatre dernières années, où
la politisation par la Maison Blanche a influencé directement
un programme scientifique de telle façon qu'elle a ébranlé
la crédibilité et l'intégrité de ce programme".
Un scientifique de l'Agence pour la Protection de l'Environnement qui
travaille sur les questions climatiques a déclaré que
le conseil sur l'environnement de la Maison Blanche, où travaille
M. Cooney, a proposé des suggestions précieuses de temps
en temps. Mais le scientifique, qui a préféré garder
l'anonymat parce qu'il est interdit à tous les employés
de parler à la presse sans être accrédité,
a dit que le genre de modifications effectuées par M. Cooney
nuit au moral. "J'ai des collègues dans d'autres agences
qui ont la même opinion, que ça a un effet plutôt
effrayant et que ça créé un sentiment de frustration".
Le premier ministre britannique Tony Blair, qui a rencontré le
président Bush hier à la Maison Blanche, a tenté
de le persuader d'intensifier les efforts des États-Unis pour
limiter les gaz à effet de serre. M. Bush a seulement demandé
des mesures volontaires jusqu'en 2012 pour réduire les émissions.
Hier, déclarant que leur but était d'influencer la réunion,
les académies scientifiques de 11 pays, y compris celles des
États-Unis et de Grande-Bretagne, ont publié une lettre
commune disant: "la compréhension scientifique du changement
de climat est maintenant suffisamment claire pour justifier que les
nations prennent rapidement des mesures".
L'Institut Américain du Pétrole, où M. Cooney travaillait
avant d'aller à la Maison Blanche, a depuis longtemps une opinion
différente. Depuis le début des négociations qui
ont amené au protocole de Kyoto en 1997, elle a promu l'idée
que les incertitudes persistantes sur le changement de climat justifiaient
de différer les restrictions sur les émissions de dioxyde
de carbone et autres gaz des cheminées et des pots d'échappement
piégeant la chaleur.
Apprenant les révisions de la Maison Blanche, des représentants
de certains groupes environnementaux ont dit que les efforts pour amplifier
les incertitudes scientifiques étaient réellement destinés
à retarder la limitation des gaz, qui restent des dérivés
inévitables de la combustion du pétrole et du charbon.
"Ils ont eu 3 ans de plus, et la seule façon de contrôler
le problème et de ne rien y faire est de couvrir la science de
boue" a déclaré Eilen Claussen, présidente
du Centre Pew sur le Changement de Climat Global, un groupe privé
qui a recruté des sociétés pour des programmes
réduisant les émissions.
Les altérations de M. Cooney peuvent causer de nets changements
de sens. Par exemple une phrase dans le brouillon de "notre planète
en évolution" de 2002 était à l'origine: "plusieurs
observations scientifiques indiquent que la terre subit une période
de changement relativement rapide". De manière concise et
soignée, M. Cooney a modifié la phrase de cette façon:
"plusieurs observations scientifiques mènent à la
conclusion que la terre pourrait subit une période de changement
relativement rapide".
Un document montrant le même genre de modifications est le Plan
Stratégique pour le Programme Scientifique Américain sur
le Changement de Climat, un épais rapport décrivant la
réorganisation sur la recherche climatique du gouvernement qui
a été demandé par M. Bush dans son premier discours
sur ce sujet en juin 2001. Le document a été examiné
par une commission d'experts rassemblés par l'Académie
Nationale des Sciences en 2003. Les scientifiques ont largement supporté
le projet de recherche du gouvernement mais ont averti que les procédures
de l'administration pour approuver les rapports sur le climat pourraient
résulter en des interférences politiques excessives avec
la science.
Un autre candidat politique qui a eu un rôle déterminant
pour ajuster le langage dans les rapports du gouvernement sur la science
du climat est le Docteur Harlan L. Watson, responsable des négociations
sur le climat pour le Département d'État, qui a un doctorat
en physique des solides mais qui n'a effectué aucune recherche
sur le climat.
Dans une note de service du 4 octobre 2002 à James R. Mahoney,
directeur du Programme Scientifique sur le Changement de Climat des
États-Unis, nommé par M. Bush, M. Watson recommandait
"fortement" de supprimer des passages de texte faisant allusion
aux découvertes du comité sur le climat de l'Académie
Nationale des Sciences et du Groupe d’Experts Intergouvernemental
sur l’Évolution du Climat, un organisme des Nations Unies
qui examine périodiquement les recherches sur le changement de
climat causé par l'homme.
Les passages, écrivait il, "n'incluent pas une reconnaissance
appropriée des incertitudes sous-jacentes et la nature hésitante
d'un certain nombre de déclarations".
Bien que ces modifications aient été faites il y a presque
2 ans, les récentes déclarations de M. Watson indiquent
que la position de l'administration n'a pas changé.
"Nous ne sommes toujours pas convaincus du besoin d'agir aussi
rapidement" a-t-il déclaré à la BBC le mois
dernier à Londres. "Il y a un consensus général
que l'on en connaît beaucoup, mais aussi que l'on doit encore
beaucoup en apprendre". |